Description
C ette photo de la chaussée du lac Pontchartrain n’est pas intéressante aujourd’hui pour ce qu’elle documente. A savoir, l’ouverture en août 1956 de ce qui était alors le plus long pont du monde. Près de 39 kilomètres au dessus des eaux du plus grand lac de Louisiane, aux Etats-Unis.
Aujourd’hui, cette photographie nous interpelle plutôt pour ce qu’elle est ! A savoir, une habile composition géométrique d’éléments naturel et artificiel. A la finalité informative relayée définitivement au second plan.
Après tout, peu importe que cette chaussée du lac Pontchartrain relie la Nouvelle-Orléans à Mandeville, sur la rive nord opposée. Ce qui compte : c’est, d’une part, l’effet de cette diagonale, partageant les eaux en deux. En lecture visuelle primaire. C’est, d’autre part, la réflexion que suscite la vue de ce pont au milieu de nulle part.
On est ici dans les principes de l’Art documentaire. Où le photographe, auteur inconnu de ce cliché, ne s’est pas contenté de rapporter visuellement la récente construction de cette chaussée du lac Pontchartrain. Il s’est bien appliqué à présenter l’ouvrage de manière artistique, aidé en cela par sa position et l’étendue déserte des eaux du lac.
Le regard photographique d’une nouvelle topographie
Un parti prix photographique qui interpelle et amène à la réflexion. Sans ce pont, sans cette chaussée, cet endroit cadré nous apparaîtrait comme une zone vierge, sans influence humaine directe. D’une réelle banalité photogénique.
Avec ce pont, les choses changent du tout au tout. Cette photographie de la chaussée du lac Pontchartrain nous conduit tout droit à une introspection sur l’influence du modernisme sur les paysages. Que ce soit ou non, au nom du bien public.
En 1956, à l’ouverture du pont, la thématique est embryonnaire dans l’esprit collectif. Il faudra attendre près de 10 ans, en 1975, pour voir le sujet abordé de manière officielle dans l’exposition New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape – Nouvelles topographies : Photographies du paysage modifié par l’homme. Avec l’implication de photographes de renom comme Robert Evans, Nicholas Nixon, Lewis Baltz ou encore Stephen Shore.
L’auteur de la présente photographie reste, lui, anonyme. Toutefois, il n’avait certainement pas à rougir de son regard documentaire, en avance sur son temps.