Description
L e photographe Bernard Hoffman a produit cette photographie, non sans un brin de malice. Où le contraste entre celle que l’on désignera comme la belle et son public est déjà un sujet en soi. Mais où en plus, le photographe américain n’est évidemment pas passé à côté des regards des réservistes de l’US Navy jetés sur cette femme à l’allure si nonchalante. La parabole d’un monde en guerre face une population outre-atlantique relativement préservée.
C’est toute la force de ce clin d’œil photographique de Bernard Hoffman. Cette jeune femme semble libérée de toutes contraintes vestimentaires et réglementaires. Au point de susciter des regards que l’on devine perplexes, voire même un brin désapprobateurs. Exception faite peut-être de la spectatrice, à l’extrême gauche, à l’air plus enjoué que ses voisines…
Nous sommes le samedi 3 avril 1943 lorsque Bernard Hoffman prend cette photographie. La Seconde guerre mondiale bat son plein dans le reste du monde. A New York, ce jour-là, est organisé un défilé de mode, à l’hôtel Ritz-Carlton. Des membres du corps de réserve féminin de l’US Navy, les WAVES, y assistent.
Photo de la semaine dans Life
Bernard Hoffman, grand photographe pour le magazine Life, est présent lui aussi. De la scène, il a une vue panoramique sur les tables de la salle. Il saisit le contraste de la situation. Appuie sur le déclencheur de son appareil. Le flash crépite. La photo est dans la boîte. Elle aura les honneurs du magazine Life, dans le prochain numéro du 19 avril 1943.
La photographie est en effet publiée page 31, avec cette mention : Photo de la semaine. La légende explique, sur un ton quelque peu caustique :
« L’un des inconvénients d’être une Wave est qu’une fille ne peut pas changer de vêtements aussi souvent qu’elle change d’humeur. En exercice, les Waves doivent porter l’uniforme, et oublier les dernières tendances de la mode. Mais une Wave peut encore choisir sa lingerie, qui ne doit pas avoir trop de froufrou pour un lavage facile. De jolies Waves, présentes au défilé de mode du Ritz-Carlton la semaine dernière à New York, trouvent difficile de décider si le modèle de la chemise de nuit diaphane répond aux exigences de la Marine. »
On notera que, pour souligner le dilemme et cette situation de contraste perçue par Bernard Hoffman, le magazine Life publiera cette photographie légèrement recadrée. Exit la femme souriante sur la gauche, et focus exclusivement sur le personnel militaire à l’allure bien plus sévère.
Dans ce tirage original des années 80, diffusé par le magazine Life, la scène apparaît en intégralité. Mais le choix de recadrage de l’hebdomadaire américain peut tout à fait être reproduit. Comme nous vous le montrons avec la simulation d’encadrement ci-dessus. Façon de valoriser l’œil de Bernard Hoffman, bien des années après.